Du Domaine des Murmures de Carole Martinez #20

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Genre : Roman historique 

Pages : 226 

Après ma découverte du genre du roman historique avec l’auteur américaine ( mais anglaise d’adoption ) Tracy Chevalier, véritable coup de foudre littéraire, j’ai eu très envie de me pencher de plus près sur d’autres auteurs du genre et pourquoi pas francais parcequ’après tout un peu de patriotisme ne fait pas de mal ! :p

Après quelques recherches sur le net ( LivrAddict pour ne pas le citer) je suis tombée sur l’auteur Carole Martinez. Pour tout vous dire, je l’avais entendu parler de son dernier roman «La terre qui penche » dans l’émission La grande Librairie sur France 5 mais je ne m’étais pas penchée, moi, plus que ça sur son travail. C’est en flânant dans les rayons de bouquins d’occasion que j’ai trouvé « Du domaine des murmures » et c’est tout naturellement et assez pressée de le découvrir que je l’ai acheté et ramené chez moi.

Et ensuite ? Et bien ensuite, ça se gâte.. Dès les premières pages, et encore quand je dis les premières pages, je devrais dire les premières phrases, voire même les premiers mots du roman, j’ai eu une sale impression. L’impression que je n’allais pas aimer l’auteur. Pas l’écriture hein ! Mais bien l’auteur derrière les mots, et plus précisément l’intention de l’auteur derrière les mots. 

Alors oui, c’est clair, c’est pas banal, et franchement je ne m’y attendais absolument pas d’autant plus que c’est bien la première fois que je ressens ça face à un livre. Je ne vous raconte pas l’embarras dans lequel j’étais et dans lequel je suis encore maintenant en écrivant cette chronique.. Parceque comment expliquer l’inexplicable ?

Je vais essayer de m’en tenir aux simples faits, histoire qu’au moins vous ayez un aperçu de l’histoire 🙂

Au Moyen Age, en Bourgogne, on va suivre la toute jeune Esclarmonde, jeune fille du seigneur du domaine, très pieuse qui refuse son mariage arrangé et exige de son père la construction d’une chapelle ou elle s’emmurera et vivra en recluse.

Je m’attendais à un huis clos oppressant, ce ne fut pas le cas donc aucune crainte à avoir pour les plus claustrophobes d’entre vous. J’ai même trouvé qu’Esclarmonde recluse était beaucoup plus présente dans le monde des vivants que lorsqu’elle était dehors. Elle reçoit la visite de bon nombre de pèlerins et acquiert une réputation de mystique, voire de sainte. Elle a finalement beaucoup plus de pouvoirs au dedans de sa prison qu’en dehors ou elle n’était pas grand chose car née fille.

Bon le personnage d’Esclarmonde, vraiment, m’a été insupportable. J’ai trouvé que ses intentions au départ étaient plus que louables et qu’elle faisait preuve de beaucoup de courage, de bonne volonté, d’une réelle sincérité dans sa foi et d’un désir de bien faire qui m’ont amené à bien l’aimer au départ mais ensuite tout vole en éclats.

Bien loin de se rapprocher de Dieu pendant sa rétention, elle s’en éloigne. Prenons l’exemple des pèlerins qui viennent lui demander conseil, si au début elle leur prête une oreille attentive, elle finira vite par les prendre de haut, s’amusant de leur naïveté toute paysanne et de leur ferveur, avec dédain alors qu’on attendrait d’elle un élan de compassion. 

Pour moi, elle est une menteuse qui se joue de tout et de tout le monde, n’a finalement que peu de bienveillance pour son prochain et surtout, un esprit presque pervers puisqu’elle cultive une image de sainte qu’elle ne mérite absolument pas.

De plus, si la réclusion était pour les femmes de cette époque, le moyen de se rapprocher de Dieu, en s’éloignant de la Terre et des vivants, elle au contraire, n’a jamais été aussi proche des préoccupations terrestres que dans sa captivité voulue. Bon évidemment, cela peut être expliqué par une circonstance très particulière que je ne vous dévoile pas ici mais qui sera l’intrigue de fond du roman.

Enfin bref, Esclarmonde ne m’a pas plu mais ce n’est pas la raison de mon ressenti post lecture. Après tout, j’en ai lu des bouquins avec des personnalités détestables et ça n’a jamais été un frein à ma lecture, ni la cause de mes déceptions. 

L’écriture peut-être ? Et ben, non plus ! L’écriture de Carole Martinez n’est pas ma préférée mais je serais de mauvaise foi si je disais qu’elle est mauvaise. Au contraire, on ressent une grande maitrise de la langue française, une fluidité dans le récit, un vocabulaire riche et bien choisi. Le style est maitrisé, l’écriture est poétique, et souvent très lyrique ! 

Il est vrai que je préfère les écritures plus dans la réserve que dans l’éclatement des passions et la grandiloquence des sentiments mais franchement, elle écrit bien et je n’ai rien à en redire. 

Du coup, quoi ? J’ai eu la réelle impression– et ce, très rapidement- que Carole Marrtinez se « regardait » écrire. J’ai vraiment ressenti un manque de modestie dans son écriture, un coté prétentieux qui m’a gêné tout du long. Je n’ai de sorte pas réussi à rentrer dans l’histoire, ayant toujours le sentiment qu’elle m’en excluait, m’en laissait volontairement à l’écart, que finalement elle avait écrit ce livre plus pour elle que pour le lecteur.. 

Je tiens à préciser que (à part pendant son passage dans La Grande Librairie, dont je ne me souviens même plus précisément ) je n’ai jamais écouté aucune interview/ entretien de l’auteur et que donc ce n’est pas un à priori négatif quand à sa personne/ personnalité.

En fait, mon impression ne s’explique pas je crois. Je ne peux fonder aucun de mes propos puisqu’ils sont de l’ordre de la sensation donc parfaitement intangibles et imaginaires. Mais en même temps, je ne pouvais pas écrire cette chronique en omettant cet état de fait non plus sinon elle n’aurait pas été sincère. 

Bon en tout cas, on ne peut pas dire qu’elle m’ait laissé indifférente ! Et ça c’est plutôt un bon point, non ? 🙂 

Anne. 

Ps : Suite à ce livre, j’ai décidé d’en essayer un autre de Carole Martinez. J’ai donc acheté la semaine passée « Le coeur cousu »  histoire de confirmer mon ressenti, ou à l’inverse, et c’est ce que je souhaite vraiment, pouvoir, avec cette seconde chance que je lui offre, me « réconcilier » avec elle et l’apprécier enfin à sa juste valeur. Je croise les doigts ! 🙂 

Ps2 : Ca m’intéressait assez de savoir si vous aussi, vous avez vécu un jour une situation similaire à celle que j’ai vécu avec ce livre ! N’hésitez pas à me la partager en commentaire !

10 commentaires

  1. Je n’ai pas encore lu ce roman, mais j’ai découvert Carole Martinez avec son dernier livre, La Terre qui penche ; j’ai été transportée par la poésie de son écriture dans un univers onirique médiéval, j’ai trouvé les personnages attachants, bref j’ai adoré ! Tu peux lire ma chronique sur mon blog si cela t’intéresse. Je lirai sans doute Du domaine des Murmures malgré ton avis plutôt négatif, car tu me donnes envie d’en savoir plus et comme tu le dis si bien, au moins, ce roman ne t’a pas laissée indifférente, bien au contraire.

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    • Je pense que tu devrais aimer Du domaine des murmures alors parceque l’ambiance y est assez similaire ! C’est pas tant négatif que ça, j’admets le très bon style de l’auteur et l’intérêt de l’histoire 😉 Et puis beaucoup de gens aiment ce roman, je dénote un peu dans le concert d’éloges extrêmement positives que je lis partout. Je vais aller lire ta chronique 🙂 Merci de ton commentaire !

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    • Ho mais découvre-le ! Je m’en voudrais de te faire douter sur ce livre. C’est vrai que j’ai été gênée dans ma lecture, mais ça n’en reste pas moins une histoire interessante et une écriture très littéraire 🙂 Et puis, mon avis est un peu un ovni, tout le monde a aimé ( ou en tout cas, je n’ai eu que des bons retours sur ce livre )

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  2. Pour moi aussi l’histoire racontée par ce livre sonne faux, à tel point que je n’ai pas eu la patience de la finir… Tout d’abord il me semble également que l’autrice se regarde écrire avec complaisance. Les premiers chapitres du livre, où un narrateur (l’actrice elle même ? Esclarmonde ?) nous décrit de manière métaphorique le livre en train de se construire (le château de conte de fée comparé à une page blanche, l’architecture comme symbole de l’écriture, etc.) est à la fois beau et insupportable. Beau car bien écrit, et il faut reconnaître à C. Martinez un art assez subtil et juste de la comparaison et de la métaphore ; mais insupportable car cette mise en scène de son écriture à quelque chose de prétentieux. C’est un prologue d’une belle virtuosité, où l’autrice nous montre qu’elle sait superposer habilement plusieurs niveaux de lecture, mais cette virtuosité reste, à mon avis, vaine et sans objet…

    Le reste du lire m’a également donné cette impression de vacuité. Tout d’abord au niveau de l’histoire elle même. L’idée de base est assez originale : une jeune fille de quinze ans qui se fait religieuse après un pseudo-miracle. Mais ensuite, on ne croit pas un instant à la vocation de la jeune fille. Elle se complaît dans le mensonge : elle sait que le « miracle » de l’agneau avait été préparé par sa suivante et elle cache sa grossesse sous le prétexte que personne ne lui pose la question. L’autrice sait-elle ce qu’est le mensonge par omission ? Sait-elle qu’elle parodie, sans subtilité, le miracle de l’Immaculée Conception ? Vous me direz qu’Esclarmonde n’a que quinze ans, et qu’il est vraisemblable qu’elle se comporte avec naïveté et, parfois, avec bêtise.

    Mais à aucun moment je n’ai pu croire non plus au quinze ans de cette jeune femme, qui se comporte avec hauteur et mépris. Et on en arrive à mon deuxième reproche : les dialogues, qui sont d’une raideur et d’une sécheresse incroyable. Les personnages parlent comme s’ils étaient des acteurs d’une mauvaise pièce de théâtre : sans naturel et avec grandiloquence. Sans doute ces dialogues très guindés ont-ils pour but de créer une ambiance symbolique et un peu mystique, mais ils empêchent, pour ma part, toute identification aux personnages et ôtent beaucoup de crédibilité à l’histoire. Que dire également de Lothaire, le souriant éconduit ? Son changement brutal de caractère m’a laissé de marbre et m’a donné la désagréable impression que l’auteur ne sait pas vraiment construire ses personnages. Un bon roman doit présenter des caractères stables et des personnages égaux à eux-mêmes tout au long du roman. Si un personnage doit complètement changer de caractère, il faut amener cela avec beaucoup de précautions et détailler avec une précision chirurgicale les causes de ce revirement : par exemple, comment croire aux changements d’humeur et de comportement du père d’Esclarmonde ? Un bon roman doit présenter des personnages ni tout à fait bons, ni tout à fait mauvais, qui seront ainsi semblable aux humains de chair et de sang. C. Martinez crée des personnages qui n’ont pas de véritable complexité.

    On notera, pour ce qui est du style, l’exception de la suivante d’Esclarmonde, que C. Martinez fait parler comme une idiote, sous prétexte de la faire parler comme une paysanne du XIIème siècle (la reconstitution des patois est pourtant un exercice intéressant pour les écrivains, lisez par exemple Fançois le Champi de Sand : mais C. Martinez ne parvient qu’à créer un discours très artificiel et sans saveur.) Plus généralement, l’auteur tombe dans un tic d’écriture qui me gêne beaucoup : utiliser un vocabulaire pseudo-médiéval pour faire de la « couleur locale ». Je passerai sur les nombreux anachronismes (l’utilisation de mot du XVIème siècle ne choquera que les spécialistes trop tatillons) pour simplement souligner que ces mots « anciens » donnent certes au texte un charme un peu étrange, mais donne également l’impression d’un « faux ».

    Ce commentaire atteint une taille un peu démesurée, mais je pense avoir fait le tour de mes impressions générales de lecture. Tout ça pour dire que je rejoins l’avis d’Anne sur ce livre. À l’occasion je pourrais néanmoins essayer de lire un autre livre de C. Martinez, car il me semble qu’elle a malgré tout un véritable talent pour l’écriture ; même si le sujet qu’elle a choisi pour le Domaine des murmures ne lui convient guère à mon avis.

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